Consultation après-cancer pour les adolescents et jeunes adultes : l’interview du Dr Bertrand

Amandine Bertrand, oncologue pédiatre, à l’origine des consultations après-cancer pour les anciens patients enfants, adolescents et jeunes adultes a bien voulu répondre à nos questions. Il s’agit de notre nouvelle série “Regard Sur” pour vous faire découvrir des professionnels de santé de l’IHOPe qui interviennent tout particulièrement auprès du public adolescent.

Vous proposez une consultation dédiée à l’après-cancer pour les adolescents et jeunes adultes : d’où est venue l’idée de cette consultation inédite ?

Dr Bertrand : Le déclic de cette consultation et de cet accompagnement est venu d’une psychologue qui recevait des anciens patients : en échangeant avec eux, elle s’est rendu compte qu’ils n’allaient jamais à la rencontre de professionnels de santé pour leurs maux (physiques ou psychologiques) qui continuaient.
Effectivement les patients, après leur cancer lors de leur rémission, sont suivis par leur oncologue qui s’axe beaucoup sur la maladie et pas forcément sur tout ce qu’il y avait autour comme l’école, la formation, les problématiques liées à la sexualité, les problèmes psychologiques, les troubles du sommeil ou encore les angoisses.
Cette consultation permet d’avoir un regard différent, une vision plus globale sur tout ce qui entoure le patient. Elle est alors destinée aux patients qui ont été traités il y a plus de 5 ans, c’est-à-dire à distance de leur risque de rechute.
Certes, après un cancer, il y a les séquelles médicales mais notre travail au sein de la consultation est d’aller plus loin.

Concrètement, comment fonctionne cette consultation dédiée à l’après-cancer ?

Dr Bertrand  : Nous avons une approche non axée sur le médical et pluridisciplinaire, avec des intervenants du DAJAC (dispositif adolescents et jeunes adultes atteints de cancer), avec une intervention systématique de l’assistante sociale et du psychologue par exemple. A cela se rajoute l’intervention de la diététicienne, des enseignants en activité physique adaptée, des kinésithérapeutes et de la sophrologue en fonction des besoins du patient.
La particularité de cette consultation est que nous intervenons de façon systématique car beaucoup d’enfants, de jeunes adolescents puis ensuite d’adultes qui ont été traités pour un cancer il y a plusieurs années – et qui sont en rémission maintenant – n’ont aucun suivi, ne voient aucun professionnel de santé. Notre objectif est de les aider et de leur montrer que les maux qu’ils vivent, les questions qu’ils se posent pourraient trouver une réponse en voyant un professionnel de santé.

Qu’est ce qui est alors le plus fréquent chez les jeunes après leur prise en charge pour un cancer ?

Dr Bertrand : 5 ans après leur traitement, quand ils sont considérés comme étant en rémission et que le suivi médical strict s’arrête, on observe encore de nombreux problématiques comme par exemple les troubles du sommeil. Chez les adolescents et jeunes adultes, il y a également des problèmes de sexologie, comme des troubles de l’érection et des dyspareunies (douleurs génitopelviennes), ou encore des difficultés avec l’image corporelle.
Concernant ce dernier point par exemple, il faut savoir que chez les adolescents et jeunes adultes, il y a beaucoup de sarcomes, d’ostéosarcome, ce qui entraine des modifications corporelles et des cicatrices importantes. Il y a aussi plus largement des cicatrices liées au PAC, à la gastrostomie et on voit que certains ont du mal à réinvestir leur corps, même 5 ans après la fin des traitements. La douleur, le fait de ne pas pouvoir faire la même activité physique que les autres, tout cela peut créer des difficultés.
Ce qui est compliqué chez ces patients, c’est qu’ils se considèrent comme des survivants : ils culpabilisent de se plaindre parce qu’ils sont vivants alors que d’autres ne le sont pas. Si nous, en tant que professionnel de santé on ne leur dit pas « je sais que tu es un survivant et que tu as le sentiment que c’est déjà une énorme victoire mais tu as le droit d’avoir des problèmes et de te plaindre », ils ont tendance à tout garder pour eux.
Grâce à ces consultations, on peut alors leur proposer des solutions et les orienter vers des professionnels de santé, soit près de leur domicile, soit directement au Centre Léon Bérard.

Je reste persuadée que les jeunes patients ont autant besoin de soins de support pendant qu’après leurs traitements, sauf que l’offre de soins de support est importante pendant les traitements et qu’ensuite ils n’ont pas accès aux mêmes choses.

Qu’est ce que vous auriez envie de dire à l’adolescente que vous étiez à 15 ans ?

Dr Bertrand : Ne renonce jamais à atteindre tes rêves !