Share4Kids, un entrepôt de données unique en France sur les cancers pédiatriques

Chaque année en France, 2 500 enfants et adolescents sont diagnostiqués d’un cancer, soit près de 7 nouveaux cas par jour. Depuis plus de vingt ans et malgré des essais cliniques internationaux, les taux de guérison ne s’améliorent quasiment plus et 500 enfants décèdent chaque année. Parce que les cancers pédiatriques diffèrent de ceux de l’adulte par leur nature mais également par leur biologie, l’utilisation des données comme outil de compréhension de leurs spécificités moléculaires, est un enjeu clé.

 Share4Kids a pour ambition de rassembler, de produire et de partager avec l’ensemble de la communauté scientifique, l’ensemble des données disponibles sur tous les cancers de l’enfant, pour faire avancer la recherche au profit des petits patients.

Les données omiques, le graal de la donnée scientifique

Les données dites « omiques » correspondent à une signature extrêmement détaillée des tumeurs, regroupant des informations croisées sur leur ADN, leurs gènes, leurs ARN, et leurs protéines. Ces données sont essentielles pour comprendre la biologie de ces tumeurs. Or, même s’ils sont responsables de 80 000 décès/an à travers le monde, les cancers pédiatriques sont considérés comme des maladies rares à l’échelle de la recherche. La mutualisation et le partage de ces données « omiques » constitue alors un enjeu essentiel pour accélérer la recherche.

C’est pour répondre à cette problématique que le projet Share4Kids a vu le jour en 2020, sous l’impulsion du réseau national React4Kids, qui rassemble, en France, plus de 40 équipes représentant près de 300 chercheurs en cancérologie pédiatrique. Grâce au soutien de l’INCa, Share4Kids est le premier entrepôt national de données multi-omiques en cancérologie pédiatrique. L’objectif est de permettre aux chercheurs et aux cliniciens français de disposer de données moléculaires exhaustives et de qualité, indispensables pour comprendre l’origine des cancers pédiatriques et les mécanismes de résistance aux traitements, afin d’identifier ensuite de marqueurs diagnostiques et de nouvelles cibles thérapeutiques.

Aujourd’hui, l’ensemble des données existantes collectées, qualifiées et rassemblées dans la base de données Share4Kids ont été mises à disposition des chercheurs grâce à une première interface utilisateur. De nouvelles données, permettant de comprendre plus finement la signature moléculaire des cancers des enfants et des adolescents, ont été ajoutées et une première série d’analyses a été effectuée. Elle regroupe à ce stade les données de 200 patients âgés de 0 à 19 ans, et concerne 5 cancers: des rhabdomyosarcomes, des néphroblastomes, des corticosurrénalomes, des glioblastomes, et des épendymomes.

Dans une seconde phase, ces travaux seront poursuivis sur une trentaine de tumeurs supplémentaires pour identifier non plus la signature de la tumeur dans son ensemble, mais définir celle de chacune des cellules qui la composent, grâce à la technique dite de single-cell.  Ces données seront précieuses pour identifier les populations cellulaires qui résistent aux traitements et définir ensuite comment les cibler spécifiquement.

« L’idée de cet entrepôt, c’est d’offrir à tous les chercheurs la possibilité de disposer d’un pool de données suffisamment précis et exhaustif pour leur permettre de répondre à leurs problématiques de recherche. Grâce aux progrès et à la démocratisation des techniques de séquençage, l ’innovation n’est plus dans la genèse des données, mais bel et bien dans la manière de les faire parler pour répondre à des hypothèses et à des questions scientifiques. En cancérologie pédiatrique, il n’y a qu’en mutualisant nos expertises et nos ressources qu’on trouvera des solutions ! »

Marie CASTETS, chercheur à l’INSERM

Jouer collectif, la clé

Parce qu’il est essentiel que le lien se fasse de façon fluide et concertée entre recherche fondamentale et recherche clinique, biologistes du réseau React4Kids et cliniciens de la Société Française des Cancers de l’Enfant (SFCE) travaillent main dans la main pour transformer les connaissances acquises en laboratoires en applications cliniques, au profit des petits patients, à travers le développement de nouvelles options diagnostiques et thérapeutiques.

Share4Kids repose ainsi sur une gouvernance plurielle avec un conseil scientifique composé de chercheurs et de cliniciens, ce qui permet de s’assurer que les données soient bien partagées, et qu’elles répondent aux besoins de l’ensemble de la communauté scientifique, incluant également des épidémiologistes, qui utilisent eux-aussi ces données moléculaires pour définir les causes des cancers pédiatriques. Le conseil scientifique fixe également les futures stratégies de séquençage à adopter.

Share4Kids a ainsi vocation à s’enrichir progressivement de données toujours plus fines pour accélérer dans la lutte contre les cancers des enfants et des adolescents. Au-delà du soutien de l’INCa, cette plateforme s’appuie aussi sur des financements associatifs, via les associations partenaires de Une nuit pour 2 500 voix et la Fédération Enfants Cancer Santé.

Biologistes – bioinformaticiens, un binôme essentiel

Le rôle des bioinformaticiens dans le projet Share4Kids est primordial. Ils travaillent à la fois à la structuration de la base de données mais également à l’exploitation des données omiques.

Concrètement, les chercheurs ont besoin de données omiques pour tester ou formuler des hypothèses. Alors que les données sortent du séquenceur sous un format brut et inexploitable, tout le travail du bioinformaticien va consister à rendre ces données omiques intelligibles. Les bioinformaticiens et biostatisticiens vont également accompagner les chercheurs dans l’utilisation des données en lien avec leurs questionnements. Share4Kids se dotera également sous peu d’une seconde interface comprenant des outils d’exploration de données pour faciliter la connexion entre les bioinformaticiens et les biologistes.