“L’école permet de maintenir un semblant de normalité face à l’annonce de la maladie” Françoise Bourguignon, enseignante pour les adolescents et jeunes adultes

Françoise Bourguignon

Depuis 6 ans, Françoise Bourguignon, enseignante en mathématiques, intervient auprès des enfants et jeunes adultes hospitalisés pour un cancer à l’IHOPe (Institut d’Hématologie et d’Oncologie Pédiatrique, situé dans les locaux du CLB) et au Centre Léon Bérard. Comme tous les enseignants qui interviennent dans les hôpitaux de l’agglomération lyonnaise, elle est rattachée à la cité scolaire Elie Vignal (Caluire et Cuire), qui accueille des élèves malades, en situation de handicap, ou en rupture de scolarité.

L’objectif de Françoise Bourguignon est de maintenir la scolarisation des jeunes en études secondaires (collège/lycée) et de les empêcher de « décrocher », malgré la maladie et le parcours de soin.

Pouvez-vous nous en dire plus sur l’equipe enseignante ?

En études secondaires, nous sommes une équipe de 3 professeurs à intervenir auprès des patients de l’IHOPe et du CLB : un professeur de lettres, un professeur d’anglais et moi-même, pour les mathématiques. Nous nous rendons sur place 3 jours par semaine. Si un élève a besoin d’un suivi dans une autre matière, nous pouvons l’orienter vers un collègue de notre établissement, en visioconférence la plupart du temps. Une psychologue de l’éducation nationale fait aussi partie de l’équipe. Son rôle est de discuter avec l’élève de son parcours scolaire. La Conseillère Principale d’Education (CPE) de l’établissement auquel nous sommes rattachés assiste également aux réunions concernant la scolarité des élèves soignés à l’IHOPe ou au CLB.

COMMENT se met en place votre accompagnement scolaire ?

Tout commence lors de la première consultation du jeune patient et de sa famille auprès de l’oncologue. Le médecin va évoquer la scolarité de l’enfant, celle-ci faisant partie intégrante du parcours de soin. Parfois, l’élève n’a pas besoin de notre accompagnement, car il profite déjà de cours à domicile ou bien parce qu’il ne souhaite plus continuer sa scolarité. Si le patient et sa famille souhaitent que nous assurions la continuité de sa scolarité durant les soins, alors nous prenons le relai. Nous allons commencer par nous mettre en contact avec l’établissement d’origine du patient (si la famille est d’accord). Notre objectif est d’être en contact tout au long de l’hospitalisation avec le chef d’établissement et nos collègues référents dans chaque matière. Le cahier de texte en ligne des élèves nous permet aussi de faire un état des lieux de la situation de chaque élève. Lorsqu’un jeune doit passer un examen, nous nous chargeons des démarches administratives. Si besoin, l’examen peut être passé au CLB ou à l’IHOPe (Brevet, Baccalauréat…).

CONCRETEMENT, COMMENT ASSUREZ-VOUS LES COURS AUPRES DES JEUNES PATIENTS ?

Du fait du parcours de soin du patient, des effets secondaires des traitements, des rendez-vous médicaux etc… nous ne pouvons pas connaitre à l’avance la fréquence à laquelle nous allons pouvoir les scolariser. Nous devons nous adapter au jour le jour à tous ces changements. Mais nous essayons au minimum de voir les jeunes 1 heure par semaine par matière. La plupart du temps, les cours sont dispensés en individuel car il est très difficile de faire concorder 2 emplois du temps de patients. Ils sont donnés en salle de classe ou en chambre, selon la volonté de l’élève et ses capacités physiques.

Une des particularités de notre métier réside dans le fait que nous devons solliciter chaque jour nos élèves. C’est-à-dire que nous passons en chambre les informer que nous sommes présents et qu’un cours va avoir lieu. Ils (famille et/ou parents) choisissent ou non d’y assister. Au niveau du contenu des cours, nous sommes obligés de prioriser par rapport à un programme scolaire classique. C’est encore plus vrai pour les classes à examen. 

QUEL EST POUR VOUS L’IMPORTANCE DE CE SUIVI SCOLAIRE ?

A l’IHOPe et au CLB, la scolarité fait partie de la prise en charge globale du patient. L’annonce de la maladie est très difficile pour les jeunes et leurs proches. Le fait de poursuivre le parcours scolaire permet de garder un semblant de « normalité ». C’est très important pour la santé psychologique des jeunes malades. De plus, l’après-cancer est plus facile à appréhender sans décrochage scolaire.

QU’APPRECIEZ VOUS DANS VOTRE METIER ?

Je trouve mon travail auprès des jeunes malades très intéressant. Je suis obligée de constamment m’adapter, il n’y a pas de routine. Cela m’oblige aussi à travailler autrement, car j’enseigne auprès de tous petits groupes ou en cours individuel. Le contact avec les élèves est totalement différent. J’aime aussi le fait de travailler en équipe, avec tous les intervenants du parcours de soin et du parcours scolaire des jeunes patients. C’est un métier passionnant !

QUE DIRIEZ-VOUS A L’ADOLESCENTE DE 15 ANS QUE VOUS ETIEZ ?

Je dirais qu’il faut bien suivre ce qu’on a envie de faire, se donner les moyens de réussir en faisant les efforts nécessaires et qu’il faut saisir les opportunités qui se créent en milieu de parcours.