Amélie, enseignante APA chez les adolescents : “continuer le sport, sans être dans la performance, c’est tout à fait possible !”

Amelie Dupré, enseignante en activité physique adaptée, propose aux adolescents pris en charge pour un cancer, des séances de sport adaptées, quelle que soit leur pathologie. Amelie a bien voulu répondre à nos questions, rappelant l’importance d’une activité physique pour les jeunes patients.

 

VOUS PROPOSEZ UNE ACTIVITE PHYSIQUE POUR LES ADOLESCENTS ET LES JEUNES ADULTES ATTEINTS DE CANCER, AU CENTRE LEON BERARD : POUVEZ-VOUS NOUS EXPLIQUER DE QUOI IL S’AGIT CONCRETEMENT ?

Amélie : L’idée est d’accompagner les 15 – 18 ans à l’IHOPe et les 18 – 25 ans au CLB dans le maintien de leur condition physique, mais également de les faire sortir de l’univers de la chambre d’hôpital, tout en leur proposant des activités plutôt ludiques, qui se rapprochent d’un sport qu’ils peuvent connaitre.

Nos interventions sont organisées de façon similaire chaque semaine :

  • A partir de 14h, nous sommes présents dans les chambres stériles au 3ème étage de l’IHOPe. Nous intervenons en individuel et on laisse le choix aux jeunes de faire l’activité qui leur plait le plus
  • Ensuite au 2ème étage, nous intervenons auprès des jeunes qui sont assez en forme pour se déplacer. On leur propose de descendre à l’espace pyramide en fin d’après-midi (vers 16H30) pour faire une séance collective (basket, volley, tennis de table…). Pour les jeunes qui sont plus faibles ou en cours de traitement et ne peuvent pas sortir du service, nous avons la possibilité depuis février 2022 de proposer des séances en plus petit comité dans le couloir du 2ème étage, directement au sein de leur service d’hospitalisation.

De plus, depuis juin 2022, nous avons développé un programme en visio-conférence pour les jeunes, avec un accompagnement de septembre à juillet comme une année dans un club de sport classique. Les jeunes ont accès a autant de visio par semaine qu’ils souhaitent. On en propose une par jour, les après-midis, avec par exemple du circuit training, du renforcement musculaire, du yoga stretching, tout ça avec de façon très ludique !

COMMENT SE PASSE L’ACCOMPAGNEMENT TOUT AU LONG DE L’ANNEE ?

Amélie : L’objectif est de les suivre le maximum du temps possible, tout au long de leur traitements.

Il  y a aussi le développement de l’hôpital de jour post cancer : cela permet de suivre les jeunes en fin de traitement dont certain que nous avons déjà suivi et d’autre que l’on rencontre qui nous sont orienté par le Docteur Bertrand.

Nous procédons alors à un bilan de la condition physique en complément des autres professionnels. Cela permet de déterminer avec le patient les activités qui lui sont pertinentes, qui l’intéressent. De notre côté, nous essayons de trouver des structures d’accueil ou leur proposer d’intégrer notre programme pour les AJA, en fonction par exemple de leur lieu d’habitation

Pour certain, nous faisons en plus des fiches de renforcement : l’idée est d’avoir un panel assez large de prise en charge pour leur laisser le plus de possibilités de pratiques.

 

ARRIVEZ-VOUS à CREER DES PARTENARIATS AVEC DES STRUCTURES POUVANT ACCUEILLIR LES AJA après leur traitement ou lorsqu’ils sont de retour chez eux entre les traitements ?

Amélie : Lorsque les jeunes sont en traitements, directement hospitalisés ou en hôpital de jour, nous pouvons facilement leur proposer un accompagnement pour une activité sportive régulière et adaptée à leur état de santé général. En revanche, lorsqu’ils quittent l’hôpital (soit parce qu’ils ont fini leurs traitements, soit parce qu’ils sont entre deux phases de traitements, soit tout simplement parce qu’ils sont pris en charge à l’hôpital de jour) il est essentiel pour nous qu’ils puissent continuer une activité sportive, pour leur santé et leur bien-être. Mais pour cela, il faut trouver des partenaires, des acteurs susceptibles de proposer de l’activité physique adaptée.

Et c’est le problème que nous avons aujourd’hui, nous avons très peu de partenaire :  souvent les jeunes atteints de cancer sont un public isolé, qui n’ont pas le droit d’être en communauté à cause des traitements, donc n’ont pas vraiment possibilité de sortir, d’être en groupe. Il y a donc très peu de structures ou de professionnels qui se déplacent pour ce public

Nous sommes en train d’essayer de développer des projets.

Mais les choses bougent : depuis septembre 2022, nous avons un programme qui s’ouvre pour les jeunes qui sont en cours de traitement ou en fin de traitement. Tous les mercredis à 16h30, une séance collective pour ceux qui habitent Lyon et son agglomération : le principe est qu’ils puissent participer à des séances en présentiels avec des thématiques sur 6 à 8 semaines (sports collectifs, découverte sport combat…) et ainsi continuer à pratiquer une activité physique

Nous sommes aussi en partenariat avec les salles Keep cool de Lyon et ses agglomérations pour les 16 – 25 ans. Un partenariat de prise en charge gratuite pendant 6 mois avec un bilan de la condition physique fait par les coachs là-bas, une programmation et un accompagnement sur les 6 mois. Les coachs sont formés à ce public et sont très motivés !
Keep cool nous permet d’avoir aujourd’hui une petite ouverture sur les salles de musculations sur Lyon. Nous espérons développer ceci dans toute la région.

LES PATIENTS ENTRE DEUX CURES VOUS SONT ENVOYES PAR DES MEDECINS OU ILS VIENNENT NATURELLEMENT ?

Amélie : En général, les AJA viennent grâce aux médecins. Cependant certains AJA notamment les plus de 20 ans qui ont déjà des habitudes sportives, vont venir à la salle de sport d’eux même.

Cependant, pour les patients qui ont terminé leur traitement, c’est nous qui les orientons vers nos partenaires. Pour les 15 – 20 ans, c’est un peu plus compliqué mais à partir de 20 ans, on a des partenariats sur Lyon et la région avec des activités plus facile d’accès et souvent c’est des gens qui ont des habitudes sportives en amont de la maladie.

POURQUOI AVEZ-VOUS DEVELOPPE CETTE NOUVELLE IDEE DE PROGRAMME THEMATIQUE SUR PLUSIEURS SEMAINES ?

Amélie : Tout simplement car nous n’avons rien à offrir pour les AJA. Les adultes c’est plus facile car on leur propose des structures d’accueil s’ils ne veulent pas rester chez nous. Pour les jeunes, il n’y a rien qui existe. Donc si nous ne nous proposons rien sur Lyon, les jeunes ne pratiqueront aucune activité sportive.

Nous avons aussi une volonté d’être plus présent au sein des services. Nous souhaitons augmenter notre notoriété et faire savoir à encore plus de patients que nous existons.

Aujourd’hui, nous avons une certaine expertise car nous avons la formation Staps qui nous permet de connaitre les maladies et de nous spécialiser sur le cancer, ici au CLB. Pour éviter des blessures sur nos patients ou anciens patients, il est légitime et cohérent que nous proposions quelque chose pour eux.

Ici nous avons cette capacité d’adaptation pour chacun ! Nous ne pouvons pas orienter quelqu’un vers une salle de sport classique ou un club de quartier car l’équipe sportive n’a pas forcément conscience que cette personne est différente.

QUELLE EST LA PARTICULARITE D’UN JEUNE ATTEINT DE CANCER QUI SOUHAITE REPRENDRE OU COMMENCER LE SPORT, PAR RAPPORT A UN ADULTE ?

Amélie : Souvent à cet âge-là, en sport, il y a la notion de compétition et c’est très difficile de s’en sortir : activité physique et sport ce n’est pas la même chose ! On n’est pas dans la même optique, on ne peut pas être dans un objectif de performance lorsque l’on est en traitement. Ceux qui ont suivi le programme ont repris le chemin des clubs plus rapidement que les autres car ils ont maintenu leur condition physique, gardé le lien avec leur sport.

QU’EST-CE QUE L’ACTIVITE PHYSIQUE ADAPTEE VA REELLEMENT APPORTER AUX JEUNES ATTEINT DE CANCER ?

Amélie : L’activité physique adaptée est encore quelque chose d’assez nouveau.

Cependant les bénéfices sont nombreux et ont été largement prouvés :  l’activité physique limite l’impact des effets secondaires, réduit de la fatigue de plus de 30%, limite l’isolement (rupture avec les pairs, avec l’école, avec le sport du jour au lendemain). C’est pour cela qu’on ajoute du ludique et pas de la performance, on est dans le jeu, nous faisons sortir les jeunes de leurs chambres, entretenons leurs muscles, maintenons leur condition physique globalemusculaire et cardiorespiratoire.

Nous proposons des moments de déconnexion avec tout ce cadre hospitalier. Par exemple, il y en a certain qui ont du mal à se dire qu’il est possible de faire du foot avec une perche pour la chimiothérapie… On est là pour leur montrer que ce n’est pas un frein.

Plus l’activité physique est commencée tôt, plus les bénéfices se font ressentir rapidement car le déconditionnement arrive très rapidement. C’est-à-dire qu’en 10 jours nous pouvons perdre déjà beaucoup de sa condition physique.

En revanche, il arrive que certains ne souhaitent pas intégrer notre programme car, par exemple, ils exercent un sport de base et il est donc inenvisageable de faire une activité sportive sans objectif physique ou de compétition. C’est donc un challenge pour nous pour leur proposer un programme complètement adapté à eux et pour qu’il garde le goût de l’activité physique, même pendant la maladie.

QU’EST CE QUE TU AURAIS ENVIE DE DIRE A L’ADOLESCENTE QUE TU ETAIS A 15 ANS ?

Amélie : Je lui dirais que le sport qu’elle fait à un impact bien plus important qu’elle ne l’imagine sur sa vie future et que l’activité physique est essentielle pour trouver un équilibre. Et que malgré qu’il y ai, chaque jour, des hauts et des bas, le plus important est de garder le mental et de ne rien lâcher.