Thalassémies

Qu’est-ce que Les Thalassémies?

Les Thalassémies constituent un groupe de maladies héréditaires caractérisées par un défaut quantitatif de la synthèse de l’hémoglobine, la molécule qui assure le transport de l’oxygène par le sang. Parmi les maladies dues à un défaut génétique unique, les thalassémies représentent les maladies génétiques les plus répandues dans le monde. L’hémoglobine est constituée par 4 chaines protéiques : 2 chaines alpha (codifiées par 4 gènes situés sur le chromosome 16) et 2 chaines béta (codifiées par 2 gènes sur le chromosome 11). On parle donc de béta-thalassémie en présence d’un défaut de chaines béta et de alpha-thalassémie en cas de déficit de chaines alpha. Donc, pour que la maladie se manifeste il faudra 2 gènes mutés sur 2 pour la béta-thalassémie mais au moins 3 gènes mutés sur 4 pour l’alpha-thalassémie. La transmission de ces hémoglobinopathies est autosomique récessive: pour être malade, le défaut génétique doit être présent sur les 2 gènes globiniques, donc les 2 parents doivent être tous les 2 porteurs du gène de la thalassémie.

Comment on diagnostique Les Thalassémies?

Les ALPHA-THALASSEMIES sont plus fréquentes en Asie du Sud-Est, mais observées également en Afrique. Les formes symptomatiques d’alpha-thalassémies sont très rarement rencontrées en France et concernent des sujets asiatiques ou plus rarement originaires des pays du bassin méditerranéen. La délétion ou l’inactivation d’un seul gène (alpha-thalassémie silencieuse) ou de deux gènes alpha (alpha-thalassémie mineure) ne s’accompagne pas, en règle, d’anémie et n’a aucune traduction clinique. Pour diagnostiquer l’état de porteur d’alpha-thalassémie est donc nécessaire une analyse génétique sur simple prise de sang afin de rechercher l’anomalie génétique à l’origine de la maladie.

L’hémoglobinose H (délétion ou inactivation de trois gènes alpha) est caractérisée par une anémie hémolytique chronique, microcytaire, hypochrome et régénérative. L’anémie est le plus souvent modérée, permettant en règle aux patients une vie proche de la normale. L’analyse biochimique de l’hémoglobine révèle la présence de l’hémoglobine H (5 à 30%). Le diagnostic est confirmé par l’analyse génétique.

L’absence complète de 4 gènes alpha se traduit par une anasarque fœto-placentaire conduisant en règle au décès in utero ou juste après la naissance (hydrops fetalis à hémoglobine Bart). Cette maladie est retrouvée majoritairement en Asie du Sud-Est. L’hémogramme retrouve une anémie majeure (Hb = 3 – 8 g/dL ; VGM < 80 fL), erythroblastose sanguine majeure avec anisopoïkilocytose majeure, hématies cibles, hypochromie. L’Electrophorèse de l’Hémoglobine  chez le fœtus ou à la naissance retrouve absence d’HbA et d’HbF, et présence d’Hb Bart’s (ɣ4) autour de 80 % et Hémoglobine H (β4) en petite pourcentage.

Les BETA-THALASSEMIES sont plus fréquentes dans le bassin méditerranéen, le Moyen-Orient, l’Asie Centrale, l’Inde, le sud de la Chine, l’Afrique du Nord et l’Amérique du Sud. En présence de parents tous les deux porteurs du gène muté, à chaque grossesse, la probabilité d’avoir un enfant malade est de 1 sur 4, soit 25%. On connait actuellement > 200 anomalies génétiques différentes atteignant le gène β : la plupart correspondent à des mutations ponctuelles. Selon la localisation de la mutation sur le gène (gène promoteur, activateur ou silencer), on observe soit une absence totale d’expression (= pas de β globine synthétisée = β0),  soit une diminution +/- importante d’expression (=diminution +/- importante de synthèse de β globine = β+). Le tableau clinique sera ce d’une anémie hémolytique chronique plus ou moins grave selon la mutation génétique responsable de l’hémoglobinopathie. On distingue 3 phénotypes cliniques :

  • β-thalassémie mineure (hétérozygote), suite à une mutation sur un seul gène de β globine. Asymptomatique. L’Hémogramme montre une microcytose et l’électrophorèse de l’hémoglobine retrouve un taux d’HbA2 > 3,5%. En cas de carence martiale associée, il y a une diminution de la synthèse de toutes les chaînes, et le profil électrophorétique peut redevenir transitoirement normal (à contrôler après correction du déficit en fer).
  • β-thalassémie intermédiaire (mutations mineures et/ou silencieuses à l’état homozygote ou hétérozygote composite) : besoins transfusionnels absents ou occasionnels. Anémie cliniquement peu marquée, habituellement découverte plus tardivement (vers 2 – 4 ans), et absence de dépendance transfusionnelle. L’hémoglobine est à 7,5 – 12 g/dL, avec une microcytose (VGM = 60 – 70 fL) et hypochromie modérée (CCMH = 29-31 g/dL).
  • β-thalassémie majeure ou maladie de Cooley (le plus souvent β0 avec absence totale de synthèse de chaines β ou rarement β+ avec synthèse très modérée de chaîne β), transfusion-dépendante. Au diagnostic on retrouve une anémie sévère (Hb = 4 – 7 g/dL) microcytaire (VGM = 60 – 70 fL), hypochrome (CCMH = 28 – 30 g/dL), avec un taux de réticulocytes normal ou à peine augmenté (100 – 150 G/L), une hépatosplénomégalie et un ictère à bilirubine libre. Le frottis sanguin montre une poïkilocytose avec hématies en cible, hématies en larme (splénomégalie), et une erythroblastémie (présence d’érythroblastes dans le sang périphérique). Le bilan d’hémolyse est perturbé avec bilirubine libre et LDH augmentées, haptoglobine diminuée. L’électrophorèse de l’hémoglobine retrouve une HbA à 0-40%, une HbF à 40 – 95 %, une Hb A2 à 3.5 – 7 %, selon s’il s’agit d’une β0 thalassémie ou β+ thalassémie.

Comment traite-on un enfant avec une thalassémie ?

β- thalassémie intermédiaire
Le diagnostic dans les formes de gravité intermédiaire est plus tardif, en règle après l’âge de 4 ans. L’anémie est moins profonde ce qui permet une activité et une croissance staturopondérale normales sans support transfusionnel systématique. L’hypersplénisme, les lithiases biliaires, l’hématopoïèse extramédullaire, des complications thrombotiques et une surcharge en fer tardive peuvent compliquer la maladie. L’hypersplénisme, l’aggravation de l’anémie parfois associé à une leucopénie et/ou une thrombopénie, un retard de croissance ou une atteinte cardiaque peuvent conduire à une splénectomie. L’hyperabsorption digestive chronique du fer liée à l’anémie peut conduire à une chélation au cours de la deuxième ou troisième décennie, chélation de durée parfois limitée et prescrite à doses plus faibles que dans la β thalassémie majeure. En présence de masses hématopoïétiques symptomatiques (suite à l’hématopoïèse extramédullaire) un traitement par hydroxycarbamide peut être proposé. Plus rarement, en cas d’urgence thérapeutique liée à une compression, la radiothérapie est indiquée. Un traitement anticoagulant adapté doit être administré avant toute chirurgie pour prévenir la thrombose. Les patientes enceintes nécessitent un suivi multidisciplinaire incluant des hématologues spécialistes des hémoglobinopathies.

β -thalassémie majeure
Le diagnostic clinique de β thalassémie majeure est généralement porté entre 6 et 24 mois de vie devant une anémie sévère avec hépatosplénomégalie et un ictère. Le mécanisme principal de l’anémie est la dysérythropoïèse par destruction des érythroblastes médullaires, l’hémolyse périphérique étant secondaire. Les enfants dépistés en période néonatale, sont suivis mensuellement à partir de l’âge de 3 mois pour apprécier l’installation de l’anémie et sa sévérité.

Les principaux objectifs du suivi sont :

  • Le dépistage des complications de la maladie et de celles du régime transfusionnel
  • L’évaluation de la surcharge en fer par le calcul annuel des apports transfusionnels en fer et l’imagerie
  • Le dépistage des effets secondaires des traitements chélateurs

 

La prise en charge précoce dès la petite enfance est indispensable pour diminuer le risque de complications sévères. En l’absence d’un programme transfusionnel régulier avec transfusions toutes les 3-4 semaines (transfusions absentes ou inadéquates), le tableau clinique est marqué par la présence de retard de croissance important, déformations osseuses progressives par expansion des espaces intramédullaires (secondaire à l’érythropoïèse excessive), splénomégalie et hépatomégalie de plus en plus volumineuses, avec hypersplénisme important. La transfusion consiste à injecter au patient du sang ou des globules rouges prélevés sur un donneur pour maintenir un niveau acceptable de globules rouges dans le sang. Elle se fait à l’hôpital généralement lors d’une séance d’hôpital de jour. Le rytme d’une transfusion toutes les 3-4 semaines permet de maintenir un taux d’hémoglobine correct en permanence. Dès la mise en route du programme transfusionnel régulier, la nécessité d’un traitement chélateur du fer s’impose (habituellement per os, plus rarement par voie sous-cutanée) pour limiter les toxicités d’organe suite à la surcharge en fer apporté par les transfusions (toxicité hépatique et cardiaque, retard de croissance staturale, hypothyroïdie, hypoparathyroïdie, diabète insulinodépendant, insuffisance gonadique, ostéoporose, etc.). Chez le patient pris en charge précocement, régulièrement transfusé et bien chélaté, la splénomégalie apparaît mais reste modérée, la croissance est plus ou moins normale et après la puberté l’enfant va poursuivre un développement presque normal. L’espérance de vie des personnes atteintes d’anémie de Cooley, très mauvaise en l’absence de tout traitement, est en constante amélioration depuis 40 ans grâce à une meilleure prise en charge.

Alternatives thérapeutiques :

  • Greffe de Cellules Souches Hématopoïétiques (CSH).
  • Réactivation de la synthèse d’Hémoglobine Fétale : avec l’hydroxyurée principalement, ou l’EPO (β thalassémies intermédiaires). Utilisation au cas par cas.
  • Thérapie génique : essai clinique initié en France pour la bêta-thalassémie majeure et la drépanocytose, après démonstration de l’efficacité chez la souris et sécurisation des risques d’intégration du transgène et du vecteur lentiviral. Il est trop tôt aujourd’hui pour prévoir quelle sera la place de cette alternative thérapeutique dans l’avenir mais les résultats globalement semblent pour l’instant encourageants. L’étude clinique à long terme de cette cohorte de patients pourra permettre de mieux comprendre l’efficacité de cette option thérapeutique. A ce jour, la greffe de CSH est la seule option thérapeutique curative. Il serait envisageable de poser l’indication de greffe précocement, dans la petite enfance (greffe génoidentique ou phénoidentique en absence de donneur intrafamilial e si les parents le souhaitent sachant que les risques liées à la procédure sont plus importants en cas de greffe phénoidentique) pour limiter le développement de toxicités majeures liées à la surcharge en fer et à l’érythropoïèse excessive.

 C’est quoi un examen ?

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Quelle surveillance pour un enfant traité pour une thalassémie?

Le suivi des personnes atteintes de bêta-thalassémie (majeure ou intermédiaire) se fait dans des services de pédiatrie et d’hématologie pédiatrique jusqu’à l’âge adulte et en suite dans des services de médecine interne ou d’hématologie. Le suivi régulier en milieu hospitalier permet de dépister les éventuelles complications de la surcharge en fer et les effets secondaires des traitements chélateurs. Des examens sanguins très réguliers sont pratiqués avant les transfusions, pour surveiller le taux d’hémoglobine et l’efficacité du traitement chélateur ainsi que pour dépister les effets indésirables éventuels du traitement. Un bilan annuel est généralement effectué : selon l’âge, il comprend une consultation de cardiologie avec une échographie et/ou une IRM cardiaque, un audiogramme (atteinte neurosensorielle auditive possible suite au traitement chélateur), un examen ophtalmologique à la recherche d’une cataracte (effet secondaire possible du traitement chélateur), une échographie abdominale et/ou une IRM hépatique, un bilan hormonal (dépistage diabète, retard croissance, hypothyroïdie, etc.). Par ailleurs, les concentrations en fer sont mesurées régulièrement (ferritinémie), pour s’assurer qu’il n’y a pas de surcharge trop importante et que les doses de chélateurs sont adaptées. Les techniques récentes d’imagerie par résonance magnétique nucléaire (IRM) permettent d’évaluer la quantité de fer dans le foie et le cœur sans pratiquer de biopsie et de dépister l’atteinte cardiaque et/ou hépatique à un stade présymptomatique. Cependant, dans certains cas, une biopsie hépatique (PBH) se rend nécessaire pour évaluer plus précisément l’importance de la surcharge et ses conséquences au niveau du foie. Il est recommandé d’évaluer la surcharge hépatique par IRM (ou plus rarement PBH) tous les 1-2 ans. L’IRM cardiaque est également effectuée tous les 1 ou 2 ans à partir de l’âge de 10-12 ans. La croissance staturo-pondérale doit être évaluée systématiquement tous les 6 mois à partir du diagnostic de la maladie et jusqu’à ce que la taille définitive adulte soit atteinte. Tout retard de croissance staturale justifie des explorations complémentaires (intolérance au gluten, tubulopathie ou insuffisance rénale, dosage d’IGF1 et recherche d’un déficit en GH, bilan thyroïdien et dosage du zinc, etc.).

Le suivi des patients atteints de béta-thalassémie intermédiaire est centré sur la surveillance clinique des conséquences de l’anémie (croissance staturo-pondérale, développement pubertaire) ainsi que celles de l’hyperplasie érythroïde et de l’hémolyse (hépato-splénomégalie, déformations osseuses, lithiase biliaire). Le dépistage des foyers infectieux est également très important car ces patients sont souvent splénectomisés. Le dépistage systématique des complications cardiaques et de l’ostéoporose est généralement proposé à partir de l’adolescence, celui des lithiases biliaires dès l’enfance. Le degré de surcharge en fer est évalué à partir de l’adolescence par échographie abdominale et/ou IRM hépatique et cardiaque pour indiquer un éventuel traitement chélateur du fer.