Interview d’Yves Bertrand, hématologue pédiatre à l’IHOPe

Le Professeur Yves Bertrand, hématologue pédiatre à l’Institut d’Hématologie et d’Oncologie Pédiatrique (IHOPe), à l’origine de la création de cet Institut,  revient sur l’originalité de cette structure qui regroupe les Hospices Civils de Lyon et le Centre Léon Bérard, spécialisé dans la lutte contre le cancer à Lyon. Il nous parle des grandes évolutions de l’Institut depuis sa création et notamment de l’amélioration de la prise en charge des enfants malades.

L’IHOPe mutualise les prises en charge des enfants entre les HCL et le CLB. Quel est l’intérêt de ce mode de fonctionnement ?

Yves Bertrand : « L’intérêt est de mutualiser des pathologies communes, de bénéficier de l’expertise de chacun, et de permettre aux patients d’être suivis par plus de professionnels. Le but est également de regrouper les patients afin d’avoir un service de taille plus importante et donc un service plus visible au niveau national et international : certains patients viennent d’ailleurs de très loin pour bénéficier de nos soins. »

Sur les 10 dernières années, quelles grandes évolutions a-t-on pu voir émerger en termes de prise en charge, de qualité de vie ou même au niveau des locaux à l’IHOPe?

La structure des locaux n’a pas changée, nous avions déjà prévu un hôpital de semaine, un hôpital conventionnel, une unité protégée et un hôpital de jour. L’hospitalisation à domicile s’est en revanche bien développée, et nous nous arrangeons pour maintenir le maximum de soins et de chimiothérapies à domicile. La prise en charge et la qualité de vie des patients hospitalisés s’est donc améliorée.

Les expériences ont été partagées puisqu’un bureau médical a été mis en commun afin de permettre une amélioration de l’échange entre professionnels. Cela a permis de bien apprendre à se connaître entre collègues, de mettre les protocoles à plat. Nous nous sommes remis en question afin de progresser en hématologie notamment au niveau des greffes, de l’amélioration de la prise en charge et de la diététique. Nous avons également pu simplifier les moyens de stérilisation et travailler sur la qualité de l’air et de l’environnement pour que les enfants ne soient plus « dans des bulles » mais dans des chambres « normales » au service R3, le service protégé pour les patients qui vont recevoir une greffe de moelle ou dont les défenses immunitaires sont trop fragiles.

La recherche clinique a aussi été améliorée, en mettant les données en commun. Depuis 10 ans, un centre ITCC (Innovation Therapies for Children with Cancer) a été créé et la participation à des phases cliniques est de plus en plus importante. On note également une bonne évolution de la structuration de la recherche clinique.

 

Le R3 dont vous parliez (service protégé) a beaucoup évolué ?

La structure n’a pas évoluée mais avant les enfants étaient dans des bulles alors que maintenant ils se trouvent dans des chambres ouvertes et leur fratrie peut leur rendre visite. C’est un vrai progrès pour lutter contre l’isolement des enfants qui restent parfois longtemps dans nos services. Nous avons également beaucoup travaillé avec les services de diététique afin d’améliorer leur alimentation, offrir plus de variété pour développer le goût des enfants.

Nous avons aussi créé une salle de repos, au 3ème étage, qui permet aux parents de souffler un peu. Un projet similaire est en cours pour les parents dont les enfants sont installés dans les autres étages. De plus, l’association Appel permet la mise à disposition d’appartements pour les familles des petits patients.

Interview de Christophe Bergeron, oncologue pédiatre à l’IHOPe

Le Dr Bergeron est oncologue pédiatre depuis 1996 au Centre Léon Bérard. Il est à l’origine du projet de structuration de l’IHOPE, l’Institut d’Hématologie et d’Oncologie Pédiatrique, qui réunit les équipes du Centre Léon Bérard et des Hospices Civils de Lyon.

Cancérologie pédiatrique, bouleversements de la recherche… il a accepté de répondre à nos questions

Pouvez-vous nous expliquer rapidement dans quel contexte est née la structuration de cet institut unique de cancérologie dédié aux enfants malades ?

 

Le Dr Christophe Bergeron : Quand nous avons souhaité nous réunir entre équipes, parce que l’hôpital Debrousse fermait, nous avons pensé à ce projet d’établissement géré conjointement par 2 hôpitaux, que sont le Centre Léon Bérard et les Hospices Civils de Lyon.
Ce projet nous a permis d’être la plus grosse unité mixte d’oncologie et d’hématologie pédiatrique en France. C’est une structuration unique en France dans les grandes villes où les services d’hématologie et d’oncologie (tumeurs solides) pédiatrique sont normalement séparés.

L’IHOPE est unique. Nous proposons à la fois toute la palette de traitement possibles, ainsi que de très nombreux essais cliniques précoces et nous avons aussi réussi à développer depuis 10 ans les métiers transversaux que sont la prise en charge de la douleur, la psychiatrie et la prise en charge psychologique ou encore les animations pour rendre le séjour moins difficile pour nos jeunes patients et leur permettre de garder le lien avec leur famille et leurs proches.
En nous structurant de façon conjointe, nous accompagnons mieux les enfants au quotidien et nous allons plus loin.

 

Pouvez-vous nous parler de l’évolution de ces dernières années en cancérologie pédiatrique ?

La cancérologie pédiatrique a fait tous ses progrès entre 1960 et 2000. Nous avons progressé sur les traitements, mais aussi, plus récemment, sur des améliorations techniques en chirurgie et en radiothérapie par exemple, qui permettent de réduire les séquelles.

En revanche depuis les années 2000, en termes de taux de guérison, le taux est parfaitement stable : nous guérissons 4 enfants sur 5.

Nous nous attachons maintenant à trouver comment guérir le 5ème enfant.
Grâce au travail conjoint de la recherche fondamentale, de la recherche translationnelle et de la recherche clinique en cancérologie pédiatrique, d’immenses progrès sont en train d’être faits pour trouver de nouveaux traitements.
Actuellement, on axe la recherche sur la compréhension des mécanismes de développement du cancer chez l’enfant parce qu’ils sont différents de celui de l’adulte. C’est la recherche fondamentale qui est en train de nous donner les pistes pour les traitements de demain : sur le site du Centre Léon Bérard, beaucoup d’équipes de recherche se dédient d’ailleurs à la recherche en cancérologie pédiatrique.

 

Concrètement alors, quels espoirs peut-on nourrir pour les années qui arrivent ?

Très concrètement, pour guérir ce 5ème enfant que l’on ne guérit pas aujourd’hui, les thérapeutiques ciblées qui arrivent vont être extrêmement intéressantes.

Il s’agit de traitements qui vont cibler soit la cellule cancéreuse pour être plus spécifique que la chimiothérapie ou alors cibler le système immunitaire pour le booster afin qu’il détruise les cellules cancéreuses. Il faut se rappeler que si le cancer a pu s’installer c’est parce qu’il y a eu une tolérance entre le système immunitaire (chargé de chasser les cellules cancéreuses) et les cellules cancéreuses qui ont réussi à éduquer le système immunitaire à les tolérer.

L’idée est donc d’essayer de casser cette tolérance pour permettre au système immunitaire de reprendre son travail et la manipulation génétique des lymphocytes T est une application concrète porteuse d’espoir en ce sens.

On parle alors de CAR-Tcells : un traitement complètement individualisé où l’on manipule génétiquement les globules blancs (lymphocytes T) pour qu’ils se mettent à attaquer les cellules cancéreuses. Ces traitements ont fait leurs preuves dans la leucémie aigüe de l’enfant, avec des résultats extraordinaires.

Pour l’IHOPE, ces traitements démarreront normalement à la fin de l’année 2018. C’est le fruit de 30 ans de recherche à l’échelle mondiale, susceptibles à la fois de guérir le 5ème enfant dont nous parlions, mais aussi de mieux traiter l’ensemble des enfants pris en charge, avec des thérapeutiques moins toxiques et mieux ciblées.

 

 

Septembre en Or : un mois de sensibilisation aux cancers pédiatriques

Septembre en Or : un mois de sensibilisation aux cancers pédiatriques

 

Chaque année, 2550 nouveaux cas de cancers sont diagnostiqués chez les enfants et les adolescents : en septembre, mettons l’OR à l’honneur pour sensibiliser le plus grand nombre aux cancers pédiatriques !

A l’IHOPe, un service de pédiatrie entièrement dédié aux tumeurs solides et à l’hématologie, géré conjointement par le Centre Léon Bérard et les Hospices Civils de Lyon, ce sont 250 patients que nous accueillons chaque année, faisant de cet établissement l’un des plus grands centres pédiatriques d’Europe.

Notre but ? Guérit plus d’enfants et guérir mieux, en faisant chaque jour avancer la lutte contre les cancers pédiatriques !

Tout au long du mois de septembre, nous vous proposerons de découvrir, au travers d’interviews, ce qu’est l’IHOPe, les grandes évolutions récentes de l’oncologie pédiatrique, ainsi que la recherche menée au Centre Léon Bérard pour répondre aux questions que vous vous posez.

 

En septembre, on s’engage contre les cancers pédiatriques : informez autour de vous pour faire avancer la recherche avec nous.